Le décret 14 bis prévoit
un amendement à la loi actuelle en prévoyant de renforcer les
contrôles. Nous retournons souvent à la loi de Jules ferry de 1882 pour
évoquer ce droit qui nous est si cher en instruction en famille. Mais
savons-nous comment et pourquoi cette loi a vu le jour?
Aussi étrange que cela puisse paraître, l'IEF est née de l'obligation scolaire laïque de 1882. Jean-Yves Seguy explique ici:
"L’instruction dans les familles est paradoxalement intimement liée à l’idée d’obligation de l’enseignement primaire. La loi Ferry du 28 mars 1882 marque un tournant essentiel de l’histoire de l’école. Elle permet en effet de redéfinir le rôle respectif de l’État, des familles et de la religion dans l’éducation. L’article 4 précise ainsi que l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six à treize ans. Elle peut être donnée soit dans les écoles publiques ou privées, soit « dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu'il aura choisie». Ce qui est fondamentalement nouveau dans cette loi, c’est que l’État prévoit explicitement ce mode de formation et se propose de contrôler sa mise en œuvre. On organise ainsi un examen que les enfants recevant l’instruction à domicile doivent subir chaque année à partir de la fin de la deuxième année d'instruction obligatoire. Cet examen doit porter sur les matières de l'enseignement correspondant à leur âge dans les écoles publiques."
L'école
existe depuis longtemps. Nous pouvons remonter jusqu'à l'Antiquité
égyptienne pour y voir sa trace. Elle a été longtemps dispensée aux
enfants de la classe aisée. On donnait aux enfants pauvres une
instruction religieuse. Voltaire croyait qu'il fallait que le pauvre
soit empreint de religion afin que tenté de voler votre chandelier, il y
renonça pris par un remord chrétien. Il s'opposa à l'instruction du
peuple, contrairement à Diderot:
" Voltaire recommande ainsi des Lumières limitées au souverain et à l’élite, redoutant que le fils du laboureur, une fois instruit, se détourne des champs et écrivant même qu’il lui paraît « essentiel qu’il y ait des gueux ignorants »."
" Voltaire recommande ainsi des Lumières limitées au souverain et à l’élite, redoutant que le fils du laboureur, une fois instruit, se détourne des champs et écrivant même qu’il lui paraît « essentiel qu’il y ait des gueux ignorants »."
La
Révolution va ancrer davantage l'idée d'une scolarité obligatoire pour
tous, gratuite et laïque défendu par Louis Joseph Charlier. Elle
deviendra obligatoire un peu moins d'un siècle plus tard...Ce
sont donc d'abord les familles aisées qui se prévaudront de ce droit.
Elles avaient culturellement le bagage pour assurer cette instruction.
Elles pouvaient s'aider de cours par correspondance tel Hattemer qui a
été fondé en 1885. Les religieux ne pouvant plus exercer en institution,
certains catholiques de la classe aisée se tournent vers l'instruction à
domicile plutôt que de les envoyer dans la nouvelle institution
publique.
Lorsque
l'école devient obligatoire en 1882, bien des riches ne veulent pas
mêler leurs enfants aux enfants du peuple. Jules Ferry leur fera une
concession en leur accordant le droit d'instruire eux-mêmes leurs
enfants à la maison ou par le biais d'un précepteur
Le CNED est fondé en 1939 alors que la guerre empêche certains enfants de fréquenter l'école "'il convient de « créer,
pendant la durée des hostilités, un enseignement par correspondance qui
suivra les mêmes programmes, les mêmes méthodes et sera donné par les
mêmes maîtres que dans les établissements publics », les deux ministres estiment nécessaire « l'emploi d'un personnel de manipulation et d'un matériel spécial ».
À cette fin ils obtiennent que soit signé le 2 décembre 1939 le décret
portant création d'une structure nationale d'enseignement par
correspondance."
Ce
cours qui devait rester temporaire va devenir pérenne. Ainsi donc, le
CNED permet aux enfants privés d'école durant la guerre de bénéficier de
cours pour respecter l'obligation scolaire.
Avec
les années, les riches et les catholiques ont leur propre réseau de
bonnes écoles privées. L'instruction en famille devient surtout le fait
des familles de diplomates ou de toutes familles vivant à l'extérieur
du pays et ne disposant pas d'école française sur leur lieu de vie. Les
enfants malades, incapables de suivre une scolarité en établissement
auront également recours à une scolarité à domicile. Ces familles
s'inscriront aux cours du CNED ou Hattemer.
Il faut attendre mai '68 et le livre d'Ivan Illich Une société sans école (1971) pour qu'une nouvelle clientèle soit
attirée par une éducation en dehors des cadres scolaires. Un mouvement
plus anarchiste commence à user du droit d'instruire en famille. Ces
familles rêvent d'une nouvelle société et désirent que leurs enfants ne
soient pas formatées par le système en place. Ces familles instituent de
nouvelles approches et tentent de plus en plus d'éviter les contrôles
de la loi de 1882 qui ne correspondent pas au type d'éducation non
normée qu'elles souhaitent pour leurs enfants.
Elles se regroupent et fondent la première association Les Enfants D'Abord (LED'A) en 1988. Cette association permet de défendre et d'informer ses membres de leurs droits face à l’Éducation Nationale et permet des regroupements et des rencontres. Depuis, plusieurs groupes se sont formés issus soit de dissensions au sein de LEDA ou plus récemment suite au décret 14 bis (FELICIA et le Collectif l'école est la maison).
Elles se regroupent et fondent la première association Les Enfants D'Abord (LED'A) en 1988. Cette association permet de défendre et d'informer ses membres de leurs droits face à l’Éducation Nationale et permet des regroupements et des rencontres. Depuis, plusieurs groupes se sont formés issus soit de dissensions au sein de LEDA ou plus récemment suite au décret 14 bis (FELICIA et le Collectif l'école est la maison).
Dans
les années '80, certaines familles veulent vivre des expériences de
voyage qui demandent de partir un an et plus et utiliseront des cours
par correspondance. L'idée que la vie est ailleurs emmènera ces familles
à vivre l'IEF sur une courte période.
Au
fil des successions des réformes scolaires, des parents se sont ajoutés
au cortège de l'instruction en famille cherchant une instruction plus
riche pour leurs enfants. De nouvelles écoles par correspondance
sont créées tant pour le soutien scolaire que pour ces "nouveaux
parents" en IEF. Aujourd'hui, les enfants en IEF sont au nombre
incertain de 30 000 élèves selon le gouvernement. Cette incertitude
relève du fait qu'il existe des familles qui ne font pas de déclaration
auprès de leur Académie et de la Mairie.
Le
nouveau décret vise, selon le gouvernement, à éviter toute
interprétation de la loi concernant l'IEF. Le mouvement est traversé par
différents courants allant des apprentissages auto-gérés des enfants
aux enfants en instruction formelle avec cours par correspondance. Le
paysage est varié. Il est difficile de parler de la famille de l'IEF
tant les courants peuvent y être très distincts.
Article conçu, réfléchi et rédigé par les membres du Collectif l'Ecole est la Maison
Article conçu, réfléchi et rédigé par les membres du Collectif l'Ecole est la Maison
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